En Avril 2016, Morgane Henry a eu l’opportunité de débuter une mission de trois mois au sein de Dynalec dans le cadre de son stage de fin d’étude de DUT GEA
Elle est passionnée par les managements alternatifs et se forme au coaching à l’Institut des Neurosciences Appliquées de Paris. Aujourd’hui, à 23 ans, elle développe une activité de coaching spécialisé et s’implique dans le management de son entreprise familiale : l’Atelier du Microphone.
Un an plus tard, elle partage son expérience au sein de notre équipe.
Témoignage
Quand j’avais 18 ans et qu’on me parlait d’entreprise, cela ne m’enthousiasmait pas du tout. Je l’assimilais à une broyeuse dans laquelle se jetaient des hommes et des femmes résignés à une vie morne. S’ils ne s’en sortaient pas trop mal me disais-je, peut-être
pourraient-ils un jour profiter de leur vie à la retraite. Forte de cette perception, je me suis promis que la seule personne qui pourrait m’exploiter – s’il devait y en avoir une un jour – ce serait moi.
Très vite, je m’aperçois que je ne suis pas la seule à remettre en question certains aspects de l’entreprise traditionnelle (organisation pyramidale, stress, désengagement des salariés, burn-out…). Je commence alors à m’intéresser plus sérieusement au sujet. Peu à
peu, je découvre le mouvement des entreprises « libérées » et viens à m’intéresser à des méthodes managériales plus humaines et efficaces. Ayant un stage à réaliser pour valider mon DUT GEA, j’ai tout de suite eu pour objectif de le réaliser dans ce type de structure.
Je rencontre alors Dynalec, cette petite SCOP bretonne qui va vite me confirmer qu’elle n’est pas tout-à-fait une entreprise comme les autres. Là-bas, on y prône la prise de décision collégiale, la transparence (notamment des salaires), l’autonomie, l’amélioration continue ;
autant dire qu’on sort des sentiers battus.
Après plusieurs échanges et une première immersion au sein de l’entreprise, il est convenu que je travaille durant trois mois sur la question suivante : où en est le processus de libération chez Dynalec ?
Le but de la démarche était triple : d’abord réaliser un premier bilan des trois années de transformation depuis la création de la SCOP en 2012, ensuite soulever des axes d’amélioration pour servir de support de réflexion aux futurs plans d’actions et enfin générer
des prises de conscience en interne quant à la spécificité de leur nouvelle gouvernance.
Pour cela, j’ai eu carte blanche. J’ai notamment mené 43 entretiens individuels d’une trentaine de minutes chacun. A travers ceux-ci j’ai cherché à mesurer au plus près la réalité de cette organisation pour le moins singulière. J’ai interrogé, sans exception, tous les membres de l’entreprise sur la manière dont ils percevaient :
- le projet d’entreprise,
- la communication interne,
- les libertés dans l’entreprise,
- la motivation au travail.
L’investigation en valait le détour. D’abord elle m’a permis de confirmer qu’il était tout à fait possible d’allier préoccupations humaines, environnementales et économiques. Dynalec est la preuve que remettre l’homme au centre des enjeux de l’entreprise n’empêche pas celle-ci de réaliser chaque année de meilleurs résultats. D’autre part, j’ai pu constater que mettre les moyens techniques et organisationnels au service d’un mode de fonctionnement plus autonome, transparent, créatif… ne suffisait pas pour faire changer les vieilles habitudes. Chez Dynalec perdure encore une oscillation entre l’ancien fonctionnement et le nouveau. Par conséquent l’équipe, qui se sent globalement unie autour d’un projet commun, laisse néanmoins parfois ressurgir de vieux conflits direction/salariés. J’en ai conclu que « libérer » une entreprise est un chemin plutôt qu’un but en soi. Une entreprise n’est pas libérée ou non, elle choisit simplement d’entamer la démarche ou pas.
Au cours de mon travail, j’ai également observé que ce processus dépendait certes de l’organisation interne mais aussi et surtout des qualités humaines de chacun des acteurs. En effet, celui-ci implique d’adopter de nouvelles postures, de provoquer le changement, de
communiquer différemment etc. La transformation de l’entreprise dépend alors avant tout de l’évolution individuelle de chacun des collaborateurs (qu’il est d’ailleurs nécessaire d’accompagner) plutôt que de la seule décision du dirigeant.
Au sein de ce type d’organisation le leadership reste essentiel, notamment pour négocier la transformation interne. Chez Dynalec l’objectif est simple : faire disparaître progressivement le sempiternel clivage entre la direction et les salariés. Pour cela, le rôle habituel de « chef » aux décisions unilatérales glisse graduellement vers un rôle de leader qui structure les décisions collégiales. De cette manière, à son tours le champs d’action des salariés évolue, ceux-ci deviennent peu à peu de véritables acteurs de leur entreprise et ne sont plus uniquement des exécutants.
Bien sûr ce processus ne se fait pas sans frictions mais le pari ici n’en reste pas moins extraordinaire : on travaille à la réconciliation des classes ! Il aura fallu attendre le XXIe siècle pour commencer à se comporter en adulte, et cela fonctionne. Lentement mais sûrement, tous les membres de l’entreprise s’impliquent et réfléchissent à la répartition de la masse salariale, repensent leurs horaires, décident des nouveaux investissements…, on décloisonne les services et on libère la parole.
Malgré ces nombreuses avancées, il est important de comprendre que le management chez Dynalec n’est pas un nouveau « one best way ». Ce n’est pas un système parfait et transposable à tous mais plutôt un modèle en (re)création permanente que chacun peut s’approprier et faire évoluer. Il repose toujours sur un leader mais contrairement à un dirigeant ordinaire, il vise à élever le collectif plutôt qu’à l’exploiter. Chez Dynalec, le PDG est le garant de la vision, le représentant du groupe, mais il tâche de s’effacer derrière l’idéal commun : faire de l’entreprise une ingénierie électrotechnique au centre des trois sphères du développement durable.
Ce modèle est pour moi visionnaire, bien que ses précurseurs soient déjà anciens. Il permet de sortir « par le haut » d’une organisation qui se sert de l’Homme, pour devenir une organisation au service de l’Homme. Il propose de concilier aspirations personnelles et collectives en donnant un nouveau sens à l’entreprise. Elle n’est plus seulement un moyen de gagner sa vie, elle devient une occasion de grandir et de se réaliser. Dynalec a encore du chemin à parcourir mais elle a le mérite d’être un pionnier dans la démarche et de ne pas le faire à moitié !